POLAR DE JONAS AKERLUND

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Adaptation très libre du web comic en bichromie de Victor Santos (et disponible en romans graphiques chez Dark Horse Comics), Polar suit les tribulations de Duncan, un homme dangereux cherchant à se venger de son employeur qui cherche à le liquider.

A deux semaines de partir en retraite anticipée à l’âge de 50 ans, l’ancien tueur à gages Kaiser Black (Mads Mikkelsen) se voit proposer une ancienne collègue (Katheryn Winnick) une dernière mission qu’il décline, s’étant acheté une maison dans les bois et désirant profiter de son pactole à venir. Mais comme aurait pu nous l’indiquer le triste sort de l’un de ses anciens collègues en début de film, cette mission se révélera être un piège pour éviter de lui payer, ainsi qu’aux autres, une coûteuse pension. Mais le Kaiser n’est pas dupe et, après avoir tué ses tueurs, part dans une vendetta sanglante contre le cruel et vicieux Mr. Blut (Matt Lucas), ce dernier symbolisant toute l’horreur du pouvoir de l’argent entre les mains d’un fou sadique.

Réalisé à la façon d’un long clip vidéo grandiloquent, Polar ne laisse guère de doutes sur le long passé de clipeur de Jonas Akerlund, le bonhomme ayant travaillé pour les plus grandes stars d’MTV, que ce soit en format court ou pour leurs concerts les plus spectaculaires. C’est à la fois la force et la faiblesse de son film, ce dernier essayant beaucoup trop d’avoir l’air cool en permanence, multipliant les money shots (habituellement réservés pour les trailers), les effets bling bling (comme dans Suicide Squad), ainsi que les moments  »vrais » de cinéma (parce qu’il y a quand même Mads Mikkelsen tout le long!).

Le souci, c’est que cette réécriture de Victor Santos et de son oeuvre originale (un hommage direct au Sin City de Frank Miller) prend non seulement des libertés avec ses personnages mais également avec son histoire, la plupart de ses choix narratifs s’avérant des plus douteux, quand ils ne sont pas exécutés salement ou avec des acteur en faisant beaucoup trop (mention à Matt Lucas en roue libre).

Le premier de ces écueils est évidemment celui du chien que Duncan achète à sa future voisine Camille (Vanessa Hudgens dans un joli rôle un peu inutile) et dont le sort est aussi gratuit qu’intolérable pour tout ami des animaux qui se respecte.

Le second concerne la longue, pénible et complaisante scène de torture dont est victime Duncan au milieu du film. Elle ne s’imposait vraiment pas et ne semble être là que pour choquer et faire artificiellement de l’effet à un public supposé blasé.

Enfin, ce que subit Camille est proprement infect. Kidnapper une innocente jeune femme pour lui contaminer le sang avec des injections répétées de drogue dure n’a vraiment aucun sens, si ce n’est que d’insister encore sur le fait que Mr. Blut est un individu abject, comme si son interprète n’en faisait déjà pas des caisses à ce sujet…

Mais en y réfléchissant encore, il y a de nombreux autres écueils qui viennent dénaturer l’oeuvre de Victor Santos, un cartoonist espagnol de talent dont je me demande ce qu’il pense vraiment du film en dehors de sa promotion. Pour avoir lu et apprécié Polar dans sa totalité, je trouve pour ma part que ce  »film » est une trahison totale et barbare de tous les éléments narratifs et visuels qui s’y trouvent.

Surtout, on à l’impression que la production n’a pas compris l’oeuvre de base, ne l’a pas vraiment lue et ne sait pas comment l’adapter, préférant en garder les passages les plus évidents (le pitch de départ et la vengeance) pour en faire quelque chose de totalement impersonnel mais visuellement hyper esthétique. Et même ça, il faut le dire vite.

Procurant décharge d’adrénaline sur décharge d’adrénaline, Polar est une monstruosité Netflix calibrée pour la nouvelle génération et rythmée par les beats electro de Deadmau5. On y prend autant de plaisir que de dégoût, tandis que l’on se demande qui a bien pu valider le screenplay de Jayson Rothwell et que vient faire le grand Mads dans ce délire de millenial décérébré.

En espérant un jour une adaptation digne de ce nom (ce qui semble bien compromis pour le moment), le visionnage de Polar vous est fortement déconseillée, son réalisateur semblant manger à tous les râteliers et n’ayant clairement pas les épaules pour diriger des longs métrages, étant bien trop dispersé pour savoir comment raconter une bonne histoire.

Allez plutôt lire les trois romans graphiques de Victor Santos, ils s’avèrent autrement plus mémorables et dignes d’intérêt que cette bouillie filmique.

 

 

https://www.netflix.com/ch-fr/title/80223052

 

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